Généralités
Le chronographe est un dispositif conçu pour mesurer de manière précise le temps écoulé entre deux événements. Son histoire est marquée par l’influence de plusieurs horlogers visionnaires qui, à travers leurs inventions, ont posé les bases de ce mécanisme complexe que nous connaissons aujourd’hui.
- Chronographe ou chronomètre ?
- Histoire et étymologie
- Intégré ou additionnel ?
- Roue à colonnes ou navette ?
- Embrayage horizontal ou vertical ?
- Compteurs et graduations
- Tachymètre, télémètre, pulsomètre ?
De nombreuses confusions sont parfois faites entre ces deux termes. Le chronographe désigne un mécanisme de mesure de temps courts fonctionnant indépendamment de l’affichage de l’heure de la montre. Le chronomètre désigne quant à lui une montre de grande précision certifiée jadis par les observatoires chronométriques et de nos jours régis par la norme internationale ISO 3159
Étymologie du mot « chronographe »
Le terme « chronographe » est issu du grec ancien, « chronos » (χρόνος), signifiant « temps », et « graphein » (γράφειν), signifiant « écrire ». Littéralement, un chronographe est un instrument destiné à « écrire » le temps. Dans son évolution, le chronographe encreur inventé par Nicolas Rieussec en 1821 a renforcé cette signification : l’appareil marquait l’écoulement du temps à l’aide d’un stylet encreur, laissant une trace visible sur un disque rotatif. Ce mécanisme novateur faisait de Rieussec le pionnier du chronographe tel que nous le connaissons. De ce fait, il serait plus juste de parler aujourd’hui de chronoscope.
Histoire du chronographe
Louis Moinet (1768-1853)
Louis Moinet, horloger français de génie, est reconnu comme l’un des inventeurs du chronographe, son compteur des tierces étant réalisé quelques années avant le chronographe de Rieussec. En 1816, Moinet déposa un brevet pour un chronographe capable de mesurer des temps avec une précision inouïe de 1/60 de seconde. Pour y parvenir, il réalisa un organe régulateur oscillant à 30Hz (3-5Hz pour une montre moderne conventionnelle). Bien qu’on puisse imaginer l’impact sur la lubrification, sur la réserve de marche et sur l’usure des composants qu’imposait une telle fréquence, le travail de Moinet a permis de poser les bases d’une mesure précise du temps dans des applications pratiques.
Nicolas Rieussec (1781-1866)
L’un des moments fondateurs de l’histoire du chronographe remonte à 1821, lorsque Nicolas Rieussec, un horloger français, inventa le chronographe encreur. Rieussec, soucieux de répondre à un besoin spécifique des courses de chevaux, développa un mécanisme où un stylet, encreur, laissait une marque visible sur un disque tournant chaque fois qu’il était activé. Ce dispositif novateur lui permit de mesurer précisément le temps écoulé, un problème qui était jusque-là difficile à résoudre avec les horloges conventionnelles. Le « chronographe encreur » de Rieussec représente donc l’origine de la fonctionnalité que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de chronographe. A ce stade de l’histoire du chronographe, le mécanisme ne dispose que d’une commande départ et d’arrêt, La « remise à zéro » n’existant pas et étant réalisée manuellement par l’échange du disque de carton gradué et déposé sur le cadran rotatif du mécanisme.
Frédérick-Louis Fatton (1812-1876)
Il est l’élève d’Abraham-Louis Breguet, lequel salue et encourage son travail, comme celui de Rieussec d’ailleurs. Fatton dépôse en 1822, quelques mois seulement après Rieussec, le brevet d’un chronographe (encreur) dont le cadran est fixe. C’est ici l’aiguille qui est en mouvement et qui dispose d’un réservoir d’encre.
Paternité de l’invention
Il est difficile d’attribuer la paternité du chronographe à un horloger unique, tant ils sont nombreux à avoir travaillé conjointement à son invention et à son développement. Une liste exhaustive des horlogers ayant contribués au développement du (des) chronographe(s) est impossible mais nous pouvons encore citer des noms tels que John Arnold, Abraham-Louis Breguet, Joseph-Thaddeus Winnerl, Abraham-Louis Perrelet ou encore Adolphe Nicole qui ont développé des systèmes tels que la remise à zéro par cœur, l’intégration d’une seconde indépendante au mouvement de la montre, le chronographe mono-poussoir ou le chronographe rattrapante par exemple.
De l’encre utilisée par Rieussec pour marquer le temps à la remise à zéro indépendante de Winnerl, ces inventeurs ont chacun joué un rôle majeur dans l’évolution de l’horlogerie et dans la mise au point de mécanismes de chronométrage à la fois sophistiqués et précis.
Le chronographe est un mécanisme de mesure de temps courts qui s’additionne au mécanisme traditionnel de la montre destiné à afficher l’heure. On distingue deux façons de considérer la construction d’un chronographe. La première consiste à intégrer le mécanisme de chronographe au mouvement de base dès sa conception. Ce type de construction implique que le mouvement sera utilisé exclusivement pour des montres avec chronographe. Il est généralement considéré qu’une construction intégrée est plus authentique et qualitative qu’un mécanisme additionnel. La deuxième solution pour produire un chronographe consiste à utiliser un mouvement traditionnel prévu pour afficher les heures, les minutes et les secondes et de lui superposer un mécanisme additionnel (appelé module) emportant l’ensemble des composants de la fonction de chronographe. Cette solution minimise les coûts de développement et offre une grande souplesse logistique, un module pouvant être assemblé sur différents mouvements de base et un mouvement de base pouvant recevoir des modules de complications différentes.
Les différentes fonctions du chronographe (départ, arrêt, remise à zéro, fonctions de la rattrapante, etc.) sont orchestrées par une came dont il existe deux types :
La roue à colonnes est une came circulaire dotée d’une denture d’encliquetage à sa base et surmontée d’un nombre variable de piliers verticaux : les colonnes. Avec un tel mécanisme chaque pression sur l’un ou l’autre des poussoirs fait tourner (avancer) la roue à colonnes d’un pas de sa denture d’encliquetage. La (les) bascule(s) d’embrayage, le(s) marteau(x), le(s) frein(s) ont un doigt qui les positionne en appui contre la circonférence des colonnes. A chaque avance de la roue à colonnes (pression sur un poussoir), les doigts des bascules, marteaux et freins se trouveront simultanément sur la circonférence de la colonne ou dans le trou situé entre deux colonnes, permettant ainsi de déplacer les différents composants du chronographe selon un ordre et une amplitude de mouvements parfaitement définis. Par sa construction, la roue à colonnes tourne ainsi dans un sens unique.
La navette est une came généralement sur deux niveaux (deux cames concentriques superposées et solidaires), parfois tois, qui permet d’orchestrer l’ensemble des fonctions du chronographe. Contrairement à la roue à colonnes, la navette effectue un mouvement rotatif en sens horaire lors de la commande départ et un mouvement en sens antihoraire lors de la fonction d’arrêt. La navette effectue ainsi un mouvement de va-et-vient qui lui donne son nom. La commande de remise à zéro déplace la navette dans une troisième position qui dégage le frein et actionne le(s) marteau(x).
Le chronographe prend son énergie du mouvement de base et est généralement entrainé par le mobile de secondes du mouvement. Le mécanisme de chronographe doit donc être embrayé sur le mouvement de base lorsqu’il est en marche et débrayé lorsqu’il est l’arrêt. Deux méthodes d’embrayage existent :
L’embrayage horizontal était le seul utilisé jusqu’à l’apparition des embrayages verticaux à la fin du 20ème siècle. Avec ce type de mécanisme, le pivot du mobile de secondes se prolonge au-dessus de la surface de son pont. On y chasse la roue sur champ qui tourne à la même vitesse que le mobile de secondes (généralement 1t/min.). La bascule d’embrayage pivote autour de l’axe du mobile de secondes et de la roue sur champ et porte la roue d’embrayage (ou roue intermédiaire de chronographe). La roue sur champ et la roue d’embrayage sont constamment entrainées par le mobile de secondes quelque soit la fonction engagée du chronographe (départ ou arrêt). La bascule d’embrayage se termine par un doigt qui est maintenu au contact de la roue à colonne par l’effet du ressort de la bascule d’embrayage. En activant la fonction « départ » par le poussoir dédié, la roue à colonnes avance d’un pas et le doigt de la bascule d’embrayage tombe dans l’espace compris entre deux piliers de la roue à colonnes. La bascule d’embrayage pivote ainsi autour de son axe et emporte la roue d’embrayage dans un mouvement concentrique à la roue sur champ avec qui elle reste en prise. Au terme de ce déplacement, la roue d’embrayage arrive au contact du mobile de chronographe et l’entraine. Dans le même temps le frein est libéré, le chronographe démarre. Cette construction est appréciée pour son caractère historique et authentique. Elle a cependant l’inconvénient d’un risque (contenu) d’imprécision lors du départ de la mesure en raison de la distance que doit parcourir la roue d’embrayage. De plus, la roue d’embrayage étant constamment en rotation, il peut y avoir un infime décalage dans la position des dentures de la roue d’embrayage et de la roue de chronographe lorsqu’elles commencent à engrener. Ce sont ces deux imperfections du système qui ont conduit au développement des chronographes à embrayage vertical.
Il existe différentes constructions d’embrayages verticaux. Le principe général consiste à superposer la roue d’embrayage au mobile intermédiaire de chronographe, ou directement au mobile de chronographe avec lequel elle évolue concentriquement. En activant le départ du chronographe, la roue d’embrayage monte au contact de la roue intermédiaire de chronographe ou de la roue de chronographe en coulissant sur son axe tout en restant entrainée par le mobile de secondes. Entre les deux mobiles sont disposés le patin et le ressort d’embrayage qui garantissent l’entrainement parfait et instantané du mobile de chronographe.
Un chronographe affiche, ad minima, la mesure des secondes. Celle-ci est indiquée par une aiguille généralement centrale pour une lecture plus précise et facile. La graduation des secondes est généralement fractionnée en plusieurs divisions. Celles-ci correspondent à la fréquence de l’organe régulateur de la montre. Ainsi et pour exemple, la fréquence d’un organe réglant oscillant à 18’000 A/h (soit 2,5Hz) aura une aiguille de chronographe qui fera 5 sauts par secondes (1/20ème de seconde) alors qu’avec un organe régulateur oscillant à 5Hz la seconde sera divisée par 10 sauts de l’aiguille de chronographe (précision au 1/10ème de seconde).
La seconde est fréquemment complétée par un compteur (totalisateur) des minutes. Bien qu’il puisse également s’afficher au centre, le compteur des minutes apparait généralement sur un cadran reporté (excentré). A chaque minute, soit un tour d’aiguille de chronographe, le compteur des minutes avance d’une division. Les compteurs de minutes sont souvent gradués sur 30, 45 ou 60 minutes.
Ce compteur de minutes est souvent complété par un compteur des heures disposant généralement de son propre cadran reporté et affichant une graduation sur 12 ou 24 heures.
L’affichage des compteurs des minutes et des heures peuvent être trainants, semi-instantanés ou instantanés.
Diverses échelles de conversions, voire des règles à calculer, peuvent s’afficher concentriquement à la graduation des secondes du chronographe. Celles-ci peuvent être gravées ou tampographiées sur le cadran, sur un réhaut ou sur une lunette fixe, voire rotative.
Le télémètre permet de mesurer une distance en se basant sur la vitesse du son. Son usage est essentiellement militaire. Par exemple, pour connaitre la distance parcourue par un obus que l’on vient de tirer. En enclenchant le chronographe lorsqu’on voit l’obus exploser et en l’arrêtant lorsqu’on perçoit le son de l’explosion. Ainsi s’il existe un écart d’environ 7,4 secondes, l’obus aura explosé à 2,5km de son point de lancement. Par le besoin de visualiser l’événement (explosion) et d’en percevoir le son (même à longue distance), le télémètre n’a guère d’autres utilités, si ce n’est déterminer à quelle distance s’est abattue la foudre.
Le tachymètre est une graduation qui permet, quant à elle de mesurer une vitesse ou une cadence. Là encore, il faudra un référentiel. Pour exemple, pour calculer la vitesse d’un véhicule, il faut un référentiel de distance par exemple 1km. La plupart des autoroutes ont des bornes espacées exactement de 1km. En mesurant le temps exact que met une voiture pour parcourir 1km (par exemple 21,5 sec.), on pourra déterminer avec précision sa vitesse réelle (167,4 km/h pour notre exemple). On peut également connaitre la production horaire d’une machine en mesurant le temps qu’elle met pour fabriquer un composant. Ainsi, si le cycle complet pour produire une pièce est de 12 secondes, la machine produira 300 pièces/heure.
Le pulsomètre : On désignait jadis familièrement les montres équipées d’un pulsomètre : Montres de docteurs. Afin de calculer le nombre de pulsations cardiaques d’un patient par minutes, il suffit de mesurer la durée d’un nombre limité de pulsations. Par exemple, si la graduation indique pulsomètre pour 30 pulsations, il suffit de mesurer la durée totale de 30 pulsations pour connaitre le nombre de pulsations par minute. Cette graduation permettait ainsi aux médecins de gagner du temps sur cette mesure. (p.ex. : 30 pulsations en 22,5 sec donnent un rythme cardiaque de 80 pulsations par minute).
D’autres types d’échelles très spécifiques existent et peuvent constituer de véritables règles à calcul. Dans ces cas leurs graduations apparaissent généralement sur une voire plusieurs lunettes rotatives.

LE CHRONOGRAPHE « DEUX POUSSOIRS »
Il s’agit de la construction la plus courante. Les trois temps du chronographe (départ, arrêt, remise à zéro) sont régis par deux poussoirs généralement disposés de part et d’autre de la couronne. Divers mécanismes seront décrits dans ce chapitre.

LE CHRONOGRAPHE « RETOUR EN VOL » (FLYBACK)
Ce mécanisme fut développé à l’usage des pilotes d’avions afin qu’ils ne perdent pas de temps entre deux mesures des temps liés à la gestion de l’approche de leur aéronef. Lorsque le chronographe est en prise, une simple pression sur le poussoir de remise à zéro permet d’effectuer simultanément et instantanément les fonction d’arrêt, de remise à zéro et de départ permettant de basculer en une seule pression sur la mesure suivante.

LE CHRONOGRAPHE RATTRAPANTE
Ce type de mécanisme dispose de deux aiguilles de secondes concentriques et superposées ainsi que d’un troisième poussoir. En actionnant le poussoir de rattrapante l’une des aiguilles de secondes s’arrêtes et permet la lecture d’un temps intermédiaire ou séparé alors que l’autre aiguille de secondes poursuit sa course. En appuyant à nouveau le poussoir de rattrapante, l’aiguille arrêté « rattrape » l’autre aiguille.

LE CHRONOGRAPHE MONO-POUSSOIR
Comme son nom l’indique, l’ensemble des commandes de ce type de chronographe est commandé par un poussoir unique. Les trois temps du chronographe (départ, arrêt et remise à zéro) se succèdent en boucle à chaque pression du poussoir.
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